Où sont nos amoureuses ?

Cette nuit sur France 3 (Dimanche 1 avril 2007) de 0h10 à 1h05

Ce drôle de documentaire est né d'une boîte oubliée où une vieille dame avait relégué quelques souvenirs anciens comme une partie d'elle-même : une correspondance suivie, un manuscrit, des négatifs classés. Une matière intime et autobiographique qui révélait le tragique destin de deux jeunes femmes des années 30, Emma et Thérèse. Une boîte retrouvée par le petit-fils d'Emma, par ailleurs réalisateur.

Comme deux ombres surgies du passé au fil de leurs mots échangés, de leurs photos posées ou naturelles, des paysages qu'elles ont traversés, deux silhouettes d'étudiantes apparaissent dans toute leur jeunesse tendue par l'espoir, le rêve et le désir. Elles veulent être professeurs, elles veulent s'émanciper. L'une et l'autre, et l'une avec l'autre, dans une complicité aimante et clandestine. Emma, la grande sportive volontaire à qui tout réussit. Thérèse la fluette, la discrète, qui rate avec une certaine constance ses concours. Emma aime aussi les hommes et fera le choix, au bout de dix ans, du mariage.

Travaillées comme des tableaux dont la matière semble parfois vibrer, toutes ces traces de vie et de paroles couchées sur le papier ont une incroyable puissance d'évocation. Et dessinent bientôt des trajectoires aux courbes opposées, mais toutes deux rattrapées par l'Histoire. Emma s'étiole - telle une héroïne de Marguerite Duras - dans une Alsace opprimée par les nazis, où elle paiera cher la voie choisie. Thérèse se révèle engagée, forte, courageuse, mais les assassins de la liberté vont l'anéantir (1). Ces deux femmes-là confirment que la réalité, parfois, est plus troublante encore que la fiction. D'où le statut étrange de ce film rare : documentaire, mais prenant comme un roman.