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Artistiquement flou...

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Message par Invité Lun 17 Jan 2011, 12:46

Je viens de regarder le travail du photographe Jérôme Albertini et l'une de ses séries photos me laisse sans mot... Je parle de cette série appelée The Killing Of A Bridgehampton Pig Jérôme Albertini.
Où est l'art là-dedans ? Réside t-il là uniquement dans le fait de "choquer" ? Tout est-il bon à étiqueter comme de l'art sous prétexte de choquer alors ? Artistiquement flou... 408112

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Message par sirimam Lun 17 Jan 2011, 16:31

Le choquant, comme le banal...
Faire réagir sur des situations sur lesquelles on ne s'attarderait pas en général.
Une pissotière comme l'a fait Duchamp, observer sous un autre point de vue le choquant, le banal, l'usuel...
L'art est-il toujours beau?
Qu'est ce que l'art?
Je ne suis pas maîtresse en la matière, mais pour moi l'artiste fait réagir sur des sujets quels qu'ils soient. Parfois cela ne m'interpelle pas, je suis comme la majorité, je pense, à m'arrêter sur l'oeuvre, et non sur sa signification, son rôle à un instant T dans l'Histoire de l'art et de Hommes.
"Carré blanc sur fond blanc" par exemple n'a rien de beau ou d'esthétique, c'est cette absence qui crée l'oeuvre. Ca, ça ne me parle pas. Trop philosophique pour moi peut être...

Le choquant, est aujourd'hui je crois une manière de plus de sortir du lot. C'est comme cet artiste qui avait laissé un chien mourir de faim, ou toutes ces performances en vidéo photos et autres, ou l'on met en scène la souffrance etc. C'est une remise en question éternelle du beau, de l'art, et en parler (Et c'est ce qu'on fait d'ailleurs Wink), toujours cette question des limites... Qu'est ce qui est, qui n'est pas...


Il y a bien des spécialistes de l'Histoire de l'art contemporain qui pourrait nous faire un résumé ou nous donner leur avis? Artistiquement flou... 659108


Dernière édition par sirimam le Lun 17 Jan 2011, 18:53, édité 1 fois
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Message par insanatong Lun 17 Jan 2011, 16:53

Visuell'ment y a des trucs qui pourraient sortir du lot, mais ça manque d'investiss'ment esthétique : y a pas d'vraie patte (sans jeu d'mots Mr.Red ). C'est dommage, c'est très à la mode la viande froide en art.
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Message par Présence-Incongrue Lun 17 Jan 2011, 19:01

je viens de regarder; je suis d'accord , je n'y vois pas d'esthetique, mais bon ça c'est courant; mais je n'y vois pas d'émotion; du coup ça me laisse aussi froide que la dite viande.

sur l'art et le beau, ça fait un moment que leurs chemins se sont séparés
en 1948 barnett newman écrivait "le mobile de l’art moderne a été de détruire la beauté .. en niant complètement que l’art ait quoi que ce soit a voir avec le problème de la beauté « .
et plus tard il y a cette déclaration qui ouvre la réflexion, mais justement je trouve que l'ouverture est plus une béance
Donald Judd (mvt minimaliste ) « si quelqu’un appelle ça de l’art c’est de l’art »

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Message par insanatong Lun 17 Jan 2011, 19:10

t'aurais même pu remonter jusqu'à duchamp.

Cependant j'rajout'rais un bémol : à l'évidence l'art contemporain s'interroge violemment sur le corps. Et la laideur (le dépériss'ment, voire la mort, à travers ce qu'elle a de sordide, de grotesque et de paradoxal'ment créatif...) a été abondamment traitée par baudelaire, et d'autres, dans un autre champ artistique (je pense à la charogne par exemple), comme partie prenante de la beauté.
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Message par Invité Mar 18 Jan 2011, 09:49

Merci Vénusia pour ce post qui soulève la question sans fin de la limite de l’art et de ses réceptions !

Personnellement je ne crois pas qu’on puisse réduire le travail de Jérôme Albertini au fait de choquer ou de ne pas choquer.

D’abord, je crois devoir reconnaître quelques qualités esthétiques à son œuvre. Je veux dire, techniquement, on ne peut pas dire que l’homme ne maitrise pas. Les lumières sont pensées, les cadrages assez exemplairement aussi, le tout se trouve extrêmement bien composé pour la plupart des clichés. Il y a des partis pris de point de vue avec des contre-plongés qui, à mon sens, ne veulent pas rien dire. Il y a la machine, la main de l’homme, qui apparaissent discrètement… A mon sens tout cela n’est pas du tout n’importe quoi.

Ensuite, sur la question du sujet traité, je lâcherais bien un « bof, rien de neuf ! Que du déjà vu !». La tradition des écorchés, traités en peinture puis en photographie, remonte à belle lurette ! Je vous mets une image de porc écorché par Adriaen Van Ostade, peint vers 1650 et visible au Musée des beaux arts de Caen.

Artistiquement flou... Porcecorche

Mais Rembrandt, Soutine, Chagall, beaucoup de peintre hollandais du XVIè, ont peint des bœufs écorchés, sujet parmi d’autres de, finalement, toutes les époques. Au moyen âge, le cochon était une sorte de hantise, animal méprisé pour la bonne et simple raison que d’un point de vue organique, ses entrailles sont parmi les plus proches de l’homme (j’exclus le singe qui était un animal peu familier en occident à l’époque). Ceci explique en partie la tradition de l’écorché.
Au XIX, c’est Géricault qui peignait à son tour de la viande froide. Humaine qui plus est. Le peintre allait chercher des morceaux de corps à la morgue et s’en servait pour ses études. A l’époque il était pensé "choquant", aujourd’hui il est admiré et encensé dans le monde entier et personne n’oserait imaginer une histoire de l’art sans un radeau de la méduse !

Artistiquement flou... Gericault_limbs

Au XXè siècle il y a eu bien pire et bien plus choquant concernant les images de viande. "On", et notamment le body art et les actionnistes viennois, se sont largement attaqués au corps, remettant en question ses incarnations. Jana Sterbak par exemple, artiste féministe, s’est constitué une robe faite de viande et l’a porté durant une exposition. Là encore, scandale ! Peut-être mais quelques années plus tard, le monde de l’art ne parviendrait plus à imaginer la cohérence de son histoire sans cette œuvre et sans le courant dans lequel elle s’inscrit. Et ce tout simplement je dirais, parce que cette œuvre est à la fois déterminée par ce qui la précède, en étroite résonance avec la violence de son époque, et déterminante pour ce qui s’est fait après ! L'omettre c'est tout simplement tout dégringoler !

Artistiquement flou... Sterbak3

Aujourd’hui encore, les artistes ne cessent d’interroger le sens de la vie, animale ou humaine. A mon sens, Albertini ne fait rien de moins.
Concernant le sujet dont il traite ou le caractère choquant de son œuvre, Albertini n’a rien inventé et ne fait que s’inscrire dans une tradition artistique qui fait que, si l’on peut douter de l’intérêt ou du bon gout de son art, nous ne pouvons douter au moins de sa maitrise et connaissance de l’histoire de sa spécialité, de son ambition à faire partie de cette tradition et de sa démarche en ce sens effectivement artistique.

Nous pouvons trouver tout cela beau, moche, intéressant ou non, insensé, inesthétique, indécent, choquant, violent, bien ou mal, réussi ou pas… La question de l’art ne réside jamais seulement dans une réponse déterminée et figée à ces questionnements, et il n’empêchera pas que, pour tous ces artistes dont je parle, il est déjà un peu tard (quoique le cas d’Albertini soit sans doute le moins scellé de tous puisque le plus récent et encore vivant). Un peu tard, non pas pour en discuter et avoir un avis ou prendre parti (ça c'est plutôt sans fin heureusement), mais pour faire basculer le jugement historique. Ils font intégralement partie d’une histoire de l’art cohérente et déjà constituée (par les "spécialistes" de l’art contemporain notamment, ceux qui font l’histoire de l’art pour nous dès que nous omettons de nous sentir tout aussi responsables qu’eux de notre histoire de l’art), où chacun se trouve être un maillon de la chaine parfaitement en résonance avec cette histoire spécifique, celle de la création, mais aussi plus largement celle de son époque.

Mais pour revenir à Albertini et au sujet traité, les artistes ont toujours eu l’ambition de montrer ce qui ne peut être vu, voire ce qui ne veut plus ou pas encore être vu. Après tout cela ne peut qu’être le sens le plus légitime du besoin d’ajouter des images !
La question du traitement animal est une question éminemment contemporaine. Par exemple, aujourd’hui, chacun trouve normal de se rendre au supermarché et d’enfilé sans écœurement aucun, les étalages de bidoche sous barquette qui constituent en partie les rayonnages démesurés de ces endroits sordides. Voilà de la viande à n’en plus finir mais nous ne trouvons rien de choquant à cela. Limite le bon petit boucher du coin nous écœure davantage avec ses carcasses dont on devine encore bien trop les silhouettes et le caractère anciennement vivant et animal de ces dernières.
Nous acceptons de voir de la viande froide en pagaille mais à condition qu’elle soit suffisamment éloigné de la forme originelle, que sa réception soit prise dans une course qui ne laisse aucun temps de regard et de réflexion sur le sens de ce que nous voyons et faisons, et à condition surtout que cette viande soit la plus éloignée possible de l’acte même de sa mise à mort. A condition donc qu’elle soit suffisamment propre et nettoyée, emballée, étiquetée pour que nous oublions même que cette viande fut vivante. Sans doute s’agit-il ici d’oublier ou de nier une condition de plus en plus mal assumée de carnassier et la part de violence qui nous anime et qu'on exige partout de nous de savoir contenir voire de nier totalement, bien que cette violence soit bien omniprésente, omnipotente et entretenue par ceux-là même qui nous demande de l'étouffer !
Peut-être s’agit-il également de na pas trop se pencher sur les conditions actuelles de nos élevages, de nos méthodes d'abattage, sur la manière dont l’industrie traite aujourd’hui le vivant… des méthodes et une logique dont nous ne pouvons guère être fiers je pense! Mais nous préférons nier ou ne rien voir, et seulement découvrir, pour nous rassasier et quitte à ce que ce soit dans la perte de sens la plus totale de toute la chaine de vie qui détermine notre alimentation, l’ultime étape hygiéniste du steak sous cellophane tout prêt à rejoindre notre assiette.
Je crois personnellement que tant qu’il en sera ainsi, des artistes iront chercher à comprendre les étapes que l’on nous cache ou que l’on préfère ne pas voir. Des artistes chercheront à rétablir une vérité historique ou à apporter les images qu’il manque, s'étonnant, eux, que l'on puisse être plus choqués de cela que du reste. S'étonnant que l'on puisse penser que donner à voir un abattoir le fasse davantage exister et que donc le cacher pourrait soustraire chacun à la question du "choquant" ou du "non tolérable" ! L'abattoir existe, la mort des animaux que nous mangeons existe, les cacher ne les fera pas moins exister. Albertini ne les a pas inventé puisqu'il s'agit de photos ! Pourquoi ne pas les montrer ?
C’est peut-être juste cela que le photographe rappelle à notre bonne conscience et nous montre à voir !
Ce qu’il interroge n’est rien d’autre que le sens de la vie (et de la mort) et les liens que nous entretenons encore ou de moins en moins avec elle. Esthétiser la mort a toujours posé problème parce que nous avons un problème avec elle, autant d'ailleurs qu'avec la vie... du coup...

Ça ou bien pas. Albertini, qui je crois ne s’est que très peu encore exprimé sur son œuvre, n’est peut-être animé que par une quête de sensationnel. Pris dans les guéguerres intestinales du monde de l’art, il s’agit peut-être surtout pour lui de tirer son épingle du jeu dans l’effectivement très à la mode champs de la viande froide.
Mais qui refuse encore vraiment les modes et le système aujourd’hui ? Et surtout à quel prix ? Des tas d’artistes existent en marge du monde officiel de l’art, mais qui sait dans quelles conditions ils travaillent ? Qui se préoccupe encore de comment notre système (je dirais notamment le système de l'emploi) considère les artistes et le temps nécessaire à leur création ?
Dans ces conditions, comment s’étonner que des individus se jettent dans les facilités du sensationnel capable de leur assurer au plus vite la renommé qui leur permettra de survivre dans la jungle artistique où on ne tolère qu'une catégorie d'artistes ?
Après tout (je le dis pas provocation biensûr), pourquoi exigerait-on des créateurs une éthique et une intégrité morale que nous ne sommes pas capables d’exiger de nous même, nous tous qui sommes et à fond dans le système, et à fond trop souvent dans le spectacle et le sensationnel ? Pourquoi exigerait-on des artistes une éthique que nous ne sommes pas capables d'exiger des sociétés et des politiques qui les régissent, et dont ils font comme nous tous, juste partie ?

Du coup, au milieu de cet imbroglio, je serais tentée de dire qu’on a toujours l’art contemporain qu’on mérite… Celui qu’on laisse passer faute d’en prendre la responsabilité, faute de s’emparer ou de pouvoir s’emparer des clés pour le comprendre…
Celui qui va avec notre société surtout. Rien d’étonnant donc d’y découvrir de l’écorché vif !

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Message par Invité Mar 18 Jan 2011, 12:16

Merci à toi fourmissansombre ! respect
Non vraiment, je n'avais pas pris le temps de cette réflexion et je n'en étais restée qu'à mon ressenti instantané devant ces prises de vue d'Albertini. Ceci étant dit je conçois tout à fait que l'art ait cette vocation à outrepasser les limites, du dicible comme de l'indicible. Cependant je m'interrogeais sur le fait que certains puissent récupérer cette vocation à des fins purement mercantiles ou comme tu le dis justement, pour faire "sensation", en se proclamant "artistes"... Comment faire la différence alors ? La notion de Beau et l'esthétique n'étant pas des critères objectifs, exception faite de certaines techniques, comment désigner ce qui est du domaine de l'art ? Où commence l'art ?

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Message par Invité Lun 24 Jan 2011, 19:00

Ah ça, vaste question ! Et déprimante réponse je crois bien aussi !

Euh, je me permets de tenter de répondre à tes questions Vénusia... Mais ce ne sera jamais que ce que je pense de tout ça, depuis un "désabusement" certain face aux milieux officiels de l'art... que ce soit celui de sa production, celui de sa critique, celui de ses formations ou celui de sa diffusion ! Je crois que l’art (celui qui bénéficie d’une « médiation » du moins), vraiment, n’échappe plus à rien de ce monde et de son fonctionnement régi par le marché, la compétition, le spectacle !


Je serais tentée de dire que dans l'idéal (le mien du moins), il n'y a pas de "domaine" de l'art. Que l'art ne commence pas mais tente de traverser à peu près tout... du moins j'espère et attendrais ça de lui.
J'avais un vieux vieux prof qui pour le définir disait : "en chaque activité humaine, l'extrême de l'excellence !"... Du coup il prenait très largement en considération les questions de la technique, de la forme, du contenu... etc etc. et pouvait voir de l'art dans le plus singulier des châteaux d'eau par exemple, si ce dernier, dans sa couleur, sa forme, sa conception... était en résonance avec sa fonction, le territoire qui l'intégrait etc etc. Ce type possédait d’ailleurs des photographies de châteaux d’eau assez exceptionnels qui disaient tout des nuages, de l’eau, de ses infiltrations, des reflets, avec des boules de verre, des fontaines, des formes de goutte d’eau, des buées, des vapeurs, des vagues… Très beau ! Pour lui, l'art, c'était l'art de vivre ! A mon sens, ça élargit un peu l'activité et c'est au final moins élitiste quoique tout aussi exigent ! (l'exigence étant peut-être la qualité essentielle de l'art. Exigence technique mais aussi exigence éthique seraient bienvenues je crois)

Après, on ne peut pas nier qu'il existe malgré tout – et sans doute en dehors, ou en deçà, de cette exigence éthique qui fait partout défaut – un, voire des, milieux de l'art qui sont eux très capables de dire, "pour nous qui détenons la science et la vérité, ça commence ici, ça se termine là, il faut qu'il y ait ceci, cela, telle technique employée etc etc...", "tel auteur souvent aussi" ou bien "un artiste issue de telle école". Des milieux qui mènent leurs petites guerres entre eux pour se faire mousser et s'assurer bonne place, et qui établissent leurs critères bien trop souvent très "entre eux" aussi, entre spécialistes, entre élites ! Des critères auxquels ceux qu'ils considèrent bien souvent comme "ignorants" sont conviés à se soumettre, en toute confiance, sans chercher à comprendre davantage...Bien souvent, on nous dit que c’est beau, que c’est pertinent, qu’il faut aimer… Même si c’est parfois vrai, dit comme ça, ça me gène et je ne trouve pas ça très intéressant en fait ! Disons que priver le plus grand nombre du débat est toujours dangereux ! Mais après c’est aussi à chacun d’accepter ou non ces méthodes. Nous avons aussi, en tant que public, une responsabilité. Celle de nous soumettre ou non à des vérités toutes faites.
D’autant que ces critères sont définis en fonction d'une histoire de l'art certes (et qui ne sera d'ailleurs jamais que l'histoire retenue), et sur des bases qui arrangent évidemment ceux qui les décrètent. C’est à dire aujourd'hui deux choses essentiellement : 1. le marché et 2. la renommée des intellectuels qui pondent ces critères et pour qui une nouveauté, une formulation novatrice ou tapageuse assurera une renommée essentielle à leur plan de carrière!!!! Ce qui ne les empêche parfois même pas d'être sincères et cohérents les uns avec les autres dans leurs affirmations, c'est ça le pire ! Ce qui ne les empêche pas non plus forcément de viser juste parfois !

Et c'est effectivement aussi grâce à l’adhésion (consciente ou inconsciente, voulue ou moins ?) d'Albertini à ces critères qu'il peut être considéré comme "artiste", j'en ai peur. La photo est très en vogue dans l'art contemporain actuellement, et comme je le disais, il maitrise la technique ! Il est aussi vidéaste et la vidéo-plasticienne est un peu le passage obligé pour montrer qu'on a tout compris de son époque et de l'art contemporain de ces dernières années !
Le sujet a quelque chose de "choquant", "dérangeant" et "sensationnel" c'est certain et ça aide aussi pour être admis dans les cercles artistiques avides de ce genre de choses et de l'idée de "l'artiste percutant". Très franchement, je ne connais pas les intentions de l'auteur, mais il est probable que le "milieu" de l'art soit plus attiré par ce côté sensationnel que par ce que j'y ai vu moi de fondamentalement critique et que j'ai exposé plus haut ! Je dis ça parce que ce que j'ai vu et pu côtoyer du milieu très strict de l'art se fiche globalement pas mal de nos conditions d'élevage et d'abattage des animaux ou de faire ses courses au supermarché ! Personnellement je trouve ça dommage mais enfin... s'il n'y a personne et pas même son auteur pour revendiquer un sens autre à son œuvre, pourquoi la critique ne ferait-elle pas ce qui l'arrange et n’agirait-elle pas dans son propre intérêt ?
Après ce constat n'empêche pas pour autant d'y voir et de continuer de vouloir absolument y voir, pour moi ce que j'y ai vu, pour d'autres sans doute encore autre chose. Duchamps a dit "c'est le regardeur qui fait le tableau". C'est en ce sens que je dis que nous avons un pouvoir et une responsabilité vis à vis de ce qui est produit, et que nous DEVONS absolument nous saisir et de ce pouvoir, et de cette responsabilité. Mais pour cela, il faut qu'on exige à un moment des clés pour, comme tu dis Vénusia, "faire la différence". Des clés qu'on ne nous donne que très peu et surtout pas si on ne les exige pas. L'enseignement de l'art est quand même quasi inexistant et bien en danger en France ! La philosophie et la valorisation d'une posture critique et esthétique face à la création et au monde en général, encore davantage voire carrément inexistante ! Assimiler des clés pour penser par soi-même est très très peu à l’ordre du jour ! C'est parait-il "chiant", "prise de tête" et "mortel" !
Je crois qu'il faudrait avant tout rendre chaque enfant et individu capable d'arriver devant une œuvre (et face au monde) en se demandant non seulement comment elle est faite, ce qu'elle montre, mais aussi avec quoi elle résonne de nos propres existences, de sa propre pensée, de notre monde, et aussi comment elle est diffusée, qui en commande la présence, la pertinence. Bref, avec un sens critique et éthique !!!! Rien, actuellement, ne laisse entrevoir une telle politique ou une telle volonté !

Personnellement je trouve le travail d'Albertini intéressant pour les raisons que j'ai exposées plus haut. Et même quelque part, je le trouve très intéressant ! Mais effectivement je ne suis pas certaine qu’il ait les intentions que je lui prête et, sur la question de la diffusion, je trouve effectivement qu'il chie et qu'il s'expose à toutes les récupérations possibles. Et pour moi ce n'est pas une question mineure mais au contraire la question de la possibilité de la neutralisation d'une part de son travail et de ses images aux fins mercantiles que tu soupçonnes comme moi. Et du coup je n'apprécie son travail que dans cette limite. C'est une posture politique face à son œuvre mais je crois qu'elle est absolument et dans tous les cas, nécessaire. Pour moi, l'artiste en général, a à se poser la question de la diffusion de son œuvre; Ce qu'il choisit en la matière (ou ne choisit pas, se laissant embarquer dans la facilité de ce qui existe au-dessus de tout et seul capable d'assurer sa renommée et sa survie) est déterminant de ce qu'il entretient de ce monde... au moins autant que le discours de l'œuvre. Ses choix ont des conséquences. Dans le cas d'Albertini, ça n'engage que moi, mais ça ne me convient pas et même si je trouve les images intéressantes ça ne suffit pas! Même si je pense aussi que l'artiste n’est pas le seul condamnable des écueils de son art et qu’on a, comme je l’ai dit, l’art contemporain qu’on mérite à force d’accepter ses modes de diffusion et de ne pas prendre en considération les temps et les espaces nécessaires à la diversité des créations et de ses réceptions.

L'art contemporain, enfin plutôt le milieu de l'art contemporain, et donc toute la médiation d'intellectuels et de business man qui gravitent autour, constitue une fabuleuse machine de récupération et de neutralisation des contenus des œuvres.
Mais les artistes et le public ont aussi une responsabilité. Très sincèrement je suis très critique vis à vis de l'art dit engagé mais qui ne tient pas compte de cela et utilise les mêmes circuits de diffusion voire ne se pose aucune question de ses modes d'exposition. J'ai la sensation désagréable qu'il manque inévitablement sa cible et finit par constituer la part de "politiquement incorrecte" nécessaire au bon fonctionnement du politiquement correcte. Il devient bien souvent la soupape qui sert à dire "mais non, tout n'est pas soumis à la loi du marché" et "mais si, vous voyez, on peut encore être engagé, provocateur, trash, critique... etc etc...", là où on sait tous qu'on ne peut plus l’être que dans une limite très étroite... celle de lieux très précis qui gèrent notamment la diffusion et ses éventuels débordements, celle du filtre neutralisant de la critique, capable de vider toute œuvre de son contenu et de son sens, si ça l'arrange et dès que ça l'arrange!

Franchement, j'en viens à croire que c'est justement le principe même de l'art officiel et reconnu par lui-même, d'être un moteur de récupération à des fins politiques et mercantiles, tout simplement parce que l'art n'est pas, ne veut plus, ne peut plus, être en dehors des modes de fonctionnement de ce monde, et que ce monde est capitaliste, marchand et spectaculaire jusqu'au bout des ongles. Là encore, nous avons l’art contemporain qu’on mérite et l’art ne commence pas en dehors du reste ou en dehors du monde, il superpose la société dans laquelle il se crée. Il en est le calque, l’image, au delà du message qu'il porte mais jusque dans ces motivations, ses contenus, ses modes de diffusion… Il n'échappe nullement à sa politique, à son empire.

Mais je crois aussi qu'il existe ailleurs – partout en dehors de l'Art avec un grand « A » justement, mais également en son sein sur des points précis, dans ses modes de réception, ou dans et face à des œuvres passées – sans prétentions autres que des prétentions éthiques justement, des gens qui se posent des questions esthétiques, d'images, de création, d'invention... Des questionnements qui souvent ne sont pas exclusifs et en croisent d'autres, de d'autres domaines. Et ces "artistes" essaient je crois, par la maitrise de leur diffusion notamment et en plus de questionnements purement esthétiques, mais aussi par toute une réflexion et connaissance approfondie de ce qui existe, de ce à quoi ils sont exposés mais ne souhaitent pas participer ou ne veulent pas entretenir, par ce qu'ils souhaitent aussi inventer et partager... essaient donc, de produire autre chose, d'imaginer d'autres mondes, de donner d'autres sens, de rendre à l'œuvre ses contenus, ses sens critiques, politiques ou esthétiques...

Trouver ces artistes-là et être capable de ne pas replaquer sur eux les discours et exigences mercantiles, spectaculaires... ne pas vider leur travail du sens critique ou même juste du sens réel que l'artiste a voulu leur donner, ne pas être soumis à la pensée facile, dominante, condamnatoire face à ces inventions ou tentatives, ne pas déplacer ses artistes dans des lieux susceptibles de les neutraliser mais aller à leur rencontre là où ils sont et pour ce qu'ils sont, voilà une manière de faire la différence peut-être !

Après que ce soit de l'art ou que ça n'en soit pas, je crois que l'important est surtout d'être en mesure de voir, entendre et comprendre ce que ça dit de notre monde ! Le reste ma foi n’a que peu de valeur... Peut-être même faut-il mieux faire autre chose que de l'art et sans pour autant renoncer à voir, à créer, à inventer... il y a plus de chance d'en être proche par ce biais que par un décret quelconque, je crois bien.

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Message par jemecorne Mer 26 Jan 2011, 16:04

joseph Conrad préface du nègre de Narcisse


L’art « est une tentative pour découvrir… (dans) les faits de la vie même ce qui leur est
fondamental, ce qui est durable et essentiel, la vérité même de leur existence. L’artiste donc,
aussi bien que le penseur ou l’homme de science, recherche la vérité et lance son
appel…L’artiste s’adresse à cette part de notre être qui ne dépend point de la sagesse, à ce
qui est en nous un don et non pas une acquisition, et qui est, par conséquent, plus
constamment durable. Il parle à notre capacité de joie et d’admiration, il s’adresse au
sentiment du mystère qui entoure nos vies…Un tel appel, pour produire son effet, doit être
une impression transmise par les sens…Tout art doit donc d’abord s’adresser aux sens…Il lui
faut aspirer de toutes ses forces…à la suggestivité magique de la musique qui est l’art par
excellence…
Arrêter, le temps d’un souffle, les mains occupées aux travaux de la terre, oblige les hommes
absorbés par la vision d’objectifs lointains à contempler autour d’eux, l’espace d’un regard,
d’un soupir, d’un sourire, tel est le but, difficile et fuyant, et qu’il n’est donné qu’à bien peu
d’entre nous d’atteindre…Et (quand cette tâche se trouve) accomplie…toute la vérité de la vie
s’y trouve. »
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Message par Invité Jeu 27 Jan 2011, 10:12

"... Une force travaille devant nous, qui cherche à se libérer de ses entraves et aussi à se dépasser elle-même, à donner d'abord tout ce qu'elle a et ensuite plus qu'elle n'a : comment définir autrement l'esprit ? Et par où la force spirituelle, si elle existe, se distinguerait-elle des autres, sinon par la faculté de tirer d'elle-même plus qu'elle ne contient ?...
La pensée qui n'est que pensée, l'oeuvre d'art qui n'est que conçue, le poème qui n'est que rêvé, ne coûtent pas encore de la peine, c'est la réalisation matérielle du poème en mots, de la conception artistique en statue ou tableau, qui demande un effort. L'effort est pénible, mais il est aussi précieux, plus précieux encore que l'oeuvre où il aboutit, parce que grâce à lui, on a tiré de soi plus qu'il n'y avait, on s'est haussé au-dessus de soi-même. Or, cet effort n'eût pas été possible sans la matière : par la résistance qu'elle oppose et par la docilité où nous pouvons l'amener, elle est à la fois l'obstacle, l'instrument et le stimulant : elle éprouve notre force, en garde l'empreinte et en appelle l'intensification.
... Le triomphe de la vie est la création. La vie humaine a sa raison d'être dans une création qui peut se poursuivre à tout moment chez tous les hommes : la création de soi par soi, l'agrandissement de la personnalité par un effort qui tire beaucoup de peu, quelque chose de rien, et ajoute sans cesse à ce qu'il y avait de richesse dans le monde...
Mais créateur par excellence est celui dont l'action est capable d'intensifier aussi l'action des autres hommes. Rendre sensible à nos yeux l'impulsion qui vient du fond, éprouver sympathiquement ce qu'ils éprouvent, si nous voulons pénétrer par un acte d'intuition jusqu'au principe même de la vie."

Bergson, "La conscience et la vie, le possible et le réel"

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Message par Invité Jeu 27 Jan 2011, 12:36

Merci pour Conrad et Bergson... Ils résonnent parfaitement je trouve !

Voici une exposition sur le même thème et intitulée "Abattoirs". Elle se tient à Strasbourg, au Syndicat Potentiel (13 rue des couples) et est prolongée jusqu'à samedi...

Un peu court pour les non strasbourgeoises mais enfin je mets quand même le texte et les images pour infos et pour "alimenter" le débat !

07 au 29 janvier 2011 - Abattoirs - Rha Kee-tea
Abattoirs : une exposition de Rha Kee-tea

"Je contemple la couleur vive de sa chair, j'entends craquer ses os. Aujourd'hui je me bats contre, aujourd'hui je combats…"

Le point de départ de mon processus de travail, c’est la question de la chair. Ce n’est pas que la chair manque d’esprit, mais c’est un esprit qui est corps, souffle corporel et vital, un esprit animal. C’est l’esprit animal de l’homme. L’homme se plaît à penser qu’il est un être total, indépendant, qui sait ce qu’il fait et fait ce qu’il veut, alors que son esprit est totalement faible, son attention instable, son ignorance trop grande. En revanche, la chair est absolument mystérieuse, son existence tout à fait innocente, stable et éternelle.

du 07 au 22 janvier 2011
L'exposition est prolongée jusqu'au 29 janvier
du mardi au samedi de 15h à 19h - Entrée libre

Vernissage le jeudi 06 janvier 2011 à partir de 18h, avec performance de l'artiste


Extrait de la performance, filmée par Alsacherie


Rha Kee-Tea est Artiste et Maitre Sushi. Il est né en corée en 1971.
DNSEP Art Esad Strasbourg en 2004
Président de l’ACEFA (Association Culturelle d’Echanges France-Asie
Site : http://web.me.com/keetea.rha

Expositions (sélection)
ROSE ROSE, 2007 - Performance et Installation, Syndicat Potentiel Strasbourg
Exposition en temps réel N°31 - 2005, Modena en Italie
Trophée des jeunes artistes - 2004 ‘stArt’ Strasbourg
Autoportraits croisés - 2002 Séoul et Strasbourg
Oro del Reno - 2001 ‘La Chaufferie’ Strasbourg


Artistiquement flou... Huile
Sans titre, 2009, huile sur toile, 161 x 116 cm

Artistiquement flou... Viande
1cm3 - Vidéo de 2 mètres de hauteur projetée en boucle sur un mur

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Message par Invité Dim 06 Fév 2011, 15:57

Plus doux (quoique la laine parfois ça pique ) mais toujours une histoire de viande...

Une œuvre de Clémencxe Joly, textile designer

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